CE QUE BÉTONNER VEUT DIRE…

Dans un monde de plus en plus urbanisé, le bétonnage des espaces naturels et bâtis est une réalité qui touche de nombreuses villes et quartiers. Ce phénomène, souvent perçu comme un signe de développement et de modernité, cache pourtant des impacts environnementaux et sociaux majeurs. Dans cet article, nous allons explorer ce que signifie réellement bétonner, en prenant l’exemple concret d’un chantier dans notre quartier. Nous verrons comment la destruction des bâtiments et de la végétation, l’évacuation de la terre végétale et l’impact sur l’eau et la température affectent notre environnement et notre qualité de vie.

Prenons l’exemple de notre bout de quartier, en particulier le chantier du Coliving (appart hôtel) par le promoteur LP Promotion à l’angle de la rue Jean Girard Madoux et la rue de Magériaz.

Avant les travaux

Pendant les travaux

1. Tout mettre à plat, comme la page blanche de l’architecte au moment où il a imaginé et dessiné le projet immobilier

Tout a été rasé : aussi bien le bâti que la végétation existante. Cette destruction implique un grand gâchis.

  • Un gâchis de matériaux :
    • Selon l’âge des bâtiments détruits (c’est le cas pour au moins 1 des 3 maisons détruites, qui n’avait que 15 ans), les éléments comme les tuiles, les portes, les fenêtres double vitrage, les stores et même l’équipement de la cuisine ont été jetés.
    • Pourtant, à Chambéry, des filières de réemploi existent (les chantiers valoristes, Enfin ! Réemploi, Emmaüs).
    • La construction neuve puise dans les ressources de notre planète, augmentant notre dette en carbone.
  • Une perte de biodiversité :
    • Les jardins et les bâtis abritent une biodiversité précieuse : martinets, hirondelles, chauves-souris et passereaux opportunistes (moineaux) viennent souvent nicher sous les toits.
    • Démolir l’ancien fait disparaître cette biodiversité.
    • Rares sont les architectes qui pensent à intégrer des nichoirs artificiels dans la conception.
    • J’ai pu observer au moins un nid qui a été détruit, situé dans la plus ancienne maison. Les oiseaux avaient pris confiance de génération en génération.

2. Évacuer des milliers de tonnes de terre végétale : une opération irréversible

Cette terre où grouille le vivant et qui respire permet de réguler, grâce au phénomène naturel qu’est l’évaporation de l’eau, la température du quartier. Pour le seul chantier de l’hôtel appart :

  • La terre a été décaissée sur environ 5 mètres de profondeur.
  • Il a fallu une centaine de trajets de camions benne, transportant 15 tonnes à chaque fois jusqu’à une carrière.
  • Pour la remplacer par du béton, un matériau absolument pas biosourcé, environ une dizaine de camion-toupie sont venus livrer environ 7 m3 chacun.

La surface est bien étanchéifiée :

  • L’eau ne pourra plus s’infiltrer et saturera le réseau pluvial de la ville.
  • Sans compter sur une éventuelle pollution des nappes souterraines lors de la construction (perte d’hydrocarbure de tous les engins de chantier, ciment qui s’infiltre).

Il a été prévu de planter sur une toute petite partie restante de terre et quelques bacs ont été prévus. Les jeunes pousses auront bien du mal à grandir dans un climat toujours plus chaud, et l’humain aura la contrainte de les arroser. La végétation ne sera plus autonome en eau.

3. Impact sur l’eau et la température : un quartier qui se réchauffe

Trois grands tubes piézométriques ont été plantés sur le chantier afin de pomper pour toujours l’eau des nappes souterraines qui « gêne » la construction et le futur bâtiment :

  • Les pompes amènent l’eau dans des cuves d’environ 1 ou 2 m3.
  • L’eau coule en continu (je dirai à vue de nez 30-40 litres par seconde dans chaque cuve).
  • L’eau ne reste plus dans le quartier, elle est dirigée dans le réseau d’eau pluviale sans même lui trouver une utilité, comme en faire un climatiseur pour les logements construits.
  • L’effet rafraîchissant de l’évaporation n’existe plus. Le quartier se réchauffe.

Conclusion

Pour résumer, construire n’est pas anodin :

  • Répercussions sur la ressource en eau du quartier.
  • Perte de la biodiversité.
  • Opérations irréversibles qui impliquent inévitablement un réchauffement.

Oui pour construire, mais dans la conscience de tout ceci et dans un choix concerté entre collectivités, promoteurs et expertise d’usage des habitants, appuyés par les associations. Des grandes réflexions doivent aussi être engagées dans l’habitabilité du territoire, l’habitat en tant que tel et ses modes d’habitation. (voir prochain article)

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